"Je ne retrouve plus la liste électorale"
 
A Escles
 
Une bonne volonté mais peu de moyens
EPINAL. - A Escles, le colonel Mougenot, délégué militaire départemental, arpente le terrain. Le théâtre des opérations n'étonne pas le soldat, habitué par la force de sa profession et son passé de combattant, à côtoyer de tels paysages de désolation.
Les hommes, une cinquantaine de fantassins, cinq transmetteurs et une trentaine d'aviateurs ne renâclent pas à la tâche et se sont mis de bonne grâce à la disposition d'une population qui, elle, a pris en main son destin. Et elle a bien raison. Car les hommes du contingent ne disposent que de quelques pelles et pioches, mise à part une bonne volonté à toute épreuve et le souci de leurs officiers de mieux faire.
Mais d'engins de génie, dont on aurait tant besoin, point. Les unités les plus proches susceptibles de fournir le gros matériel indispensable sont, il est vrai, stationnées à Toul ou à Besançon. La décision reste à prendre.
Après avoir réglé « les priorités », par la mise en place d'un téléphone, de quelques groupes électrogènes, les sauveteurs que tentent de coordonner, non sans quelques difficultés, le maire, André Georges, et son deuxième adjoint,
M. Etienne, s'attachent à mettre hors d'eau la majorité des maisons endommagées par la tornade. Pas toutes. Au cœur du village, Necib Rouiaiguia, ne peut compter que sur l'aide d'un cousin ; sa famille ? Il l'a placée à Epinal, gardant pour lui, et lui seul, sa tristesse et une rancoeur naissante.
Les bâches, en trop petit nombre au début de l'opération, n'ont pu contenter l'ensemble des sinistrés. En pareil cas, c'est presque naturel, on pare au plus pressé, c'est-à-dire à ceux qui affirment leur présence, haussant parfois la voix ou faisant preuve de persuasion. Pas par élitisme, plutôt par la force des choses, ce naturel humain qui revient au galop.
A Escles, il faut mettre les archives à l'abri.
Une famille désemparée
Comment ne pas songer aux personnes âgées isolées ? Mais paradoxe rassurant : la solidarité est omniprésente. Les agriculteurs conquis par l'appel de la F.D.S.E.A., du C.D.J.A. et de la Chambre d'Agriculture sont venus parfois de très loin prêter main forte.
De Saint-Dié, de la montagne aussi.
Sans exclusive, ils portent secours à travers le village, bâchant ici, dégageant une étable ailleurs, aidant à clôturer à l'entour, rapatriant les animaux égarés, mais déblayant des cours, rues et , maisons de non agriculteurs. A trois kilomètres de là, Ler-rain, qui a échappé au pire, a réagi de suite, accueillant une trentaine  de sans-abri pour  la nuit.  L'agitation est partout.
Les fils s'entremêlent ; employés de l'E.D.F., des Télécom, des entreprises privées s'interpellent. C'est l'organisation quasi spontanée, qui pèche justement par sa trop grande générosité. C'est le propre de la vie qui renaît, après l'angoisse des premières heures.
L'essentiel sans cloute préservé, faut-il le préciser, par des forces de gendarmerie qui veillent de leur côté à ne pas laisser entrer dans le périmètre sinistré les badauds de toute curiosité, un filet que les vautours de toute bassesse n'hésitent pas. quant à eux, à percer.
C'est aussi ça le quotidien.
 
 
Gorhey isolé et oublié
Le conseil général au pied du clocher du village
EPINAL. - « Nous sommes complètement isolés. On doit faire avec les moyens du bord. M. Jeanroy, le conseiller général, a fait des demandes permanentes et pressantes et nous n'avons toujours rien », nous a déclaré M. Pierre Chaney au moment de la visite des conseillers généraux après la réunion extraordinaire du bureau.
Les 132 habitants de la commune sont désolés au plus haut point. De nombreuses personnes âgées résident là et nul ne s'occupe des toitures de leurs maisons soufflées par la tornade. « La mairie a subi de gros dégâts. Je ne retrouve plus la liste électorale. Alors, leur référendum, ils peuvent se le mettre où je pense !... »,déclare M. Chaney qui, comble de l'ironie, a reçu le matin même deux factures de l'O.N.F. pour frais de garderie.
Pour une forêt communale maintenant totalement détruite. Il y a des jours où il serait bon de ne pas heurter par trop les sensibilités.
 
 
 
 
Harol aussi
 
EPINAL - Harol, 515 habitants, 7 sections, se trouve dans le périmètre où la tempête a commis le plus de dégâts. Pourtant, les forces de secours n'étaient pas en nombre, hier après-midi. Les habitants de la commune avaient l'impression d'être un peu abandonnés - par la presse également - alors qu'ils considéraient que leurs dégâts étaient d'importance.
D'où l'accueil un peu froid de M. Malglaive, maire de la commune, hier, à notre arrivée à Harol. La position de premier magistrat n'est pas toujours facile à tenir dans de telles circonstances. Les administrés de M. Malglaive, devant le peu de réactions des pouvoirs publics, se demandaient si toutes les déclarations avaient été faites en temps utile. Qu'ils se rassurent. Toutes les communes du département se sont fait connaître pour obtenir les moyens nécessaires'.
A Harol, de nombreuses habitations sont entièrement découvertes. Le cas le plus pathétique est sans doute celui de M. Jules Marulier. « J'avais pris le soin, pour une fois, de rentrer tous mes engins agricoles sous mon hangar. J'aurais mieux fait de me coucher », nous a-t-il confié.
M. Malglaive (de dos) s'entretien avec M. Marulier.
Seuls ses deux tracteurs, qu'il n'avait pas rentrés, sont épargnés. Presse, moissonneuse-batteuse, semoirs, voitures à foin sont enfouis sous son hangar qui a été littéralement soufflé. Ses trois cochons ainsi que toutes ses poules sont sous le hangar actuellement. Vivants. « J'ai donné à manger aux cochons par un trou que j'ai fait... Mais je ne sais pas si les poules ont pondu », ajoute son petit-fils.
Trois des sections de Harol (Le Ménil, La Rue, Harol), sont principalement touchées. M. Malglaive, qui a reçu 22 bâches, n'a plus de grosses préoccupations pour les habitations. Tout, hier soir, était à peu près en ordre.
En revanche, la protection des récoltes dans les hangars agricoles est bien plus problématique.
Concernant les bâtiments communaux, la poste et la gare n'ont plus de toiture, le clocher est vrillé, la mairie-école a été touchée également mais moins fortement.
Une dizaine de militaires ont été détachés sur la commune pour prémunir les récoltes dans une commune où l'eau a été rétablie jeudi, à 20 h, où le téléphone fonctionne dans certaines sections mais où on attend l'électricité pour dimanche.
«Au mieux», dit M. Malglaive, revenu à de bien meilleures dispostions qu'au début de notre entretien. Il est vrai que M. Malglaive n'avait pas dormi depuis quarante-huit heures... et qu'il savait comme tous ses concitoyens que les vergers - répités - de la commune ne donneraient plus avant longtemps.
 
Extraits L.E. du 13 JUILLET