Un problème : assurance et indemnisations
 
Dégats dans les forêts :
 
les contrats d'assurance sont rares
 
De jour en jour, le bilan des dégâts matériels de la tempête qui s'est abattue mercredi soir sur les Vosges s'alourdit. De 2 OOO hectares de forêt détruits annoncés par l'O.N.F. au tout début de cette catastrophe naturelle, on parle maintenant de 15 OOO hectares... occasionnant la projection brutale sur un marché, déjà en proie à la dépression, de près d'un million cinq cent mille mètres cubes d'essences naturelles. Tout le monde s'interroge donc maintenant pour savoir si ce cataclysme sera considéré ou non par les pouvoirs publics   comme   une   « catastrophe naturelle ». Si le simple énoncé des dégâts suffisait à justifier cette qualification, il ne faudrait pas oublier que d'importants arguments juridiques ne manqueront pas de s'opposer aux responsables chargés de plaider le dossier du département... Mais surtout, aux dires de certains spécialistes, les indemnisations que l'on pourrait en attendre ne sauraient en aucun cas concerner tous les dégâts. Ceux qui concernent les forêts, en particulier, qui semblent tenir pourtant le premier rang dans le désastre...
Difficile de retourner aux sources... de la Saône
On relira à ce sujet l'article publié dans nos éditions de vendredi sur les conditions d'indemnisation des sinistrés par les compagnies d'assurances. On sait "en effet que depuis le 13 juillet 1982, la clause tempête est automatiquement incluse dans les contrats d'assurance multirisques offerts aux particuliers. Cette garantie est également accessible aux entreprises, moyennant une surprime allant de 15 à 30% de majoration des primes d'assurance des contrats incendie.
Fonctionnant avec un certain nombre de restrictions et de franchises, généralement 10%, cette garantie est donc offerte à tous les assurés. On voit donc que malgré les requêtes des représentants vosgiens, le ministère de l'Intérieur chargé de la constitution du dossier de classement de l'ouragan vosgien en catastrophe naturelle, pourra certainement répondre que l'Etat n'a pas à se substituer aux carences des assurés. Ceci d'autant que le décret du 13 juillet prévoyait clairement l'arrêt du recours à cette classification « catastrophe naturelle » pour les tempêtes, puisque désormais, les particuliers avaient à leur disposition un arsenal de protection efficace.


 
Plusieurs sinistrés sans assurance
Malgré cela, aux premières observations fournies hier à M. Clément Bouhin, préfet des Vosges, par M. Coyon, secrétaire du Syndicat vosgien des agents généraux d'assurances, il apparaît que plusieurs des sinistrés ne seraient pas couverts par cette garantie. M. Coyon nous a expliqué que c'était sur décision des assurés eux-mêmes. Cette demande ayant entraîné une baisse de tarif d'environ 10 %.
Bien que les personnes dans ce cas soient peu nombreuses - on peut les estimer à quelques dizaines tout au plus, sur un volume de 1 500 à 2 000 dossiers de sinistres escomptés par les assureurs - celles-ci se trouvent plongées dans un profond dénuement. Pour certains, le montant des dégâts atteint plusieurs centaines de milliers de francs.
Seul espoir possible : le classement des régions sinistrées en zone de catastrophe. Ce sont les compagnies d'assurances qui seront chargées de régler les dégâts, mais celles-ci n'effectueront cette tâche que si les propriétaires sont déjà possesseurs d'un contrat incendie.
Dans l'ensemble, toute la population sinistrée aurait à escompter une meilleure indemnisation, avec le classement de l'ouragan de mercredi dernier en catastrophe naturelle.. Des restrictions figurant dans les contrats tempête seraient de ce fait supprimées. C'est le cas, par exemple, des maisons en construction, exclues du contrat classique.  5 pavilIons en cours de réalisation auraient beaucoup souffert mercredi et leurs propriétaires ne seront vraisemblablement pas remboursé». Egalement des dépendances et des clôtures dont les dégâts ne sont pas pris en charge par la garantie tempête classique.
Les forêts sont-elles assurées ?
Mais en aucun cas il n'est prévu d'indemnités pour les dégâts forestiers. Sur ce plan, M. Coyon parait très pessimiste. Cet assureur spinalien qui a longuement discuté hier après-midi avec M. Bouhin, précise que s'il est d'usage, pour les communes, de souscrire des contrats d'assurance pour leurs biens, il est rare d'assurer les propriétés forestières vosgiennes. La garantie « bois sur pied » ne fonctionnerait pas pour les tempêtes et serait plus adaptée aux incendies. Selon ce professionnel, il est peu probable, au regard de l'ampleur des dégâts, que les compagnies acceptent de couvrir d'autres risques forestiers.
A ce titre, étant donné que les possibilités d'incendie dans la forêt vosgienne sont plus que limitées, peu de propriétaires doivent être ne possession de tels contrats leur donnant accès, en cas de catastrophe naturelle, à des remboursements.
M. Arnould de Lesseux, conseiller général de Provenchères-sur-Fave, juriste confirmé et propriétaire forestier, nous a confirmé l'avis de M. Coyon hier soir. A ce titre, M. de Lesseux a précisé que la catastrophe vosgienne était sensiblement de la même nature que l'ouragan terrible qui s'est abattu il y a deux ans en forêt de Compiègne avec les mêmes dégâts. Selon M. de Lesseux, cette catastrophe n'aurait donné lieu à aucune indemnisation, pas plus que d'autres fléaux frappant le bois, tels que bostryche et les pluies acides,  « des phénomènes moins voyants mais beaucoup plus graves.,. ».
A noter enfin que le même cas se pose dans les Vosges avec les récoltes agricoles. Là aussi, pas d'indemnisations prévues. Mais les professionnels disposent toutefois du fonds des calamités agricoles, fonctionnant sous le biais de taxes prélevées sur les primes d'assurances. Mais M. de Lesseux nous a confirmé qu'aucun organisme de ce genre n'existait dans le secteur bois... Dans les Vosges, le fonctionnement du fonds des calamités agricoles permettra le remboursement des dégâts des vergers et des cultures.


Ce qu'il faut savoir...
La chambre syndicale des agents généraux d'assurances des Vosges (1), nous a remis le communiqué suivant :
« En règle générale, les indemnisations des dégâts causés à la suite des tempêtes (tornades, ouragans, cyclones), ne peuvent intervenir que dans certaines conditions :
-  Etre assuré contre la tempête, c'est-à-dire être titulaire d'un contrat d'assurance « multirisques» ou incendie, comportant la garantie tempête.
Cette garantie tempête prévoit en effet, la prise en charge de ces dommages causés par le vent ou par un corpè renversé ou projeté par le vent (arbre, tuile...). Les indemnités tempêtes sont toujours assorties d'une franchise restant à la charge de l'assuré et variable en fonction de la nature du contrat.
-  La déclaration de sinistre doit être faite à l'assureur dans le délai légal de cinq jours. La société d'assurance pourra proposer l'indemnité amiablement (pour les petits dégâts) ou désigner l'expert de son choix.
L'expert de la société d'assurance prendra aussitôt contact avec l'assuré, procédera au contrôle du risque, vérifiera les devis de remise en état et fixera l'indemnité, compte tenu des vétustés éventuelles et des franchises.
Il est bien évident que devant l'urgence qui caractérise la situation présente, les assurés prendront toutes les mesures de préservation des biens sinistrés ou procéderont à la remise en état immédiate s'ils le peuvent, étant entendu qu'ils conservent à la disposition de l'expert les justifications ».

(1) Secrétariat:   11,  place  Edmond-Henry, 88000 Epinal, téléphone (29) 35.52.86.

 

 


Des dizaines de milliards de dommages
 
Le sénateur Poncelet demande que des moyens exeptionnels soient mis en place
Le sénateur Poncelet, président du Conseil Général des Vosges, a adressé le 14 juillet, la lettre suivante au Premier ministre, Pierre Mauroy : " M. le Premier Ministre,
En ce 14 juillet 1984, les Françaises et les Français célébrant l'anniversaire de la Révolution Française, ont manifesté leur joie dans toutes les villes et dans tous les villages de notre pays. Dans toutes les villes et dans tous les villages ? Pas vraiment...
En effet, dans le département des Vosges, les lampions des bals populaires n'ont pas été allumés, et les pétards des feux d'artifice ont été mouillés par la volonté unanime des maires du département de manifester leur solidarité à quatre-vingts de leurs collègues, dont la commune est sinistrée.
Mais peut-être ne le savez-vous pas ?
En effet, la télévision, officielle, n'a pas rendu compte du désastre occasionné dans cinq cantons au moins des Vosges, par une tornade sans précédent. Les journaux locaux ont pourtant publié des photos édifiantes : à s'y méprendre, de véritables images de guerre, celles de villages totalement détruits, comme s'ils avaient été bombardés.
Peut-être ne le savez-vous pas ?
En effet, vos services ne vous auraient pas informé. Je n'en veux pour preuve que l'interpellation inattendue d'un député de votre majorité. Celui-ci battant la coulpe du gouvernement et donc la sienne, a en effet accusé votre représentant dans le département, d'avoir déclenché le plan ORSEC trop tard, et de l'avoir mal mis en place.

10 000 hectares de forêt sont détruits
Si votre député, constatant sur place son impuissance a fait appel au ministre de l'Intérieur pour que des sanctions soient prises, le président du Conseil Général des Vosges écrit au Premier ministre afin que son département ne soit pas oublié dans la France des vacances de 1984.
Si, véritable spectacle de désolation, plus de 10 000 hectares de forêts sont détruits, et il faudra un siècle pour reconstituer ce patrimoine, dans les heures qui viennent, ce sont des milliers de Vosgiennes et de Vosgiens qui ont besoin d'un toit, d'électricité, d'eau, et des crédits nécessaires pour remettre en état leur maison d'habitation ou leur exploitation agricole, leur mairie, leur école, ou encore leur église effondrée !


Du haut de la grande échelle dressée contre le clocher d'Escles
Le bureau du Conseil Général des Vosges s'est, pour sa part, réuni hier en session extraordinaire avec tous les conseillers généraux concernés. Il a pris trois décisions :
-  l'attribution de secours d'urgence aux familles les plus démunies ;
-  le vote des crédits nécessaires pour remettre en état des bâtiments communaux ;
-  la création d'un fonds départemental de solidarité d'un demi-milliard de centimes, pour lequel le département a d'ores et déjà débloqué cent millions de centimes.
Pour vous donner un ordre d'idée de l'effort consenti par le département des Vosges, je soulignerai que le point d'impôt de l'Assemblée départementale est de deux cents millions de centimes. Cet effort considérable pour le budget du département n'est cependant pas suffisant. Il ne peut être que le complément d'une aide de l'Etat correspondant à l'étendue des dégâts, qui se chiffre en dizaines de milliards de centime. Il y a exactement trois semaines, le samedi 23 juin dernier, je vous ai écrit pour solliciter une audience auprès de vous. Le Conseil général venait en effet, toutes tendances politiques confondues, de constater les conséquences douloureuses de la situation économique dans notre département : 17 000 chômeurs pour une population de 390 000 habitants. Je n'ai, à ce jour, reçu aucune réponse de votre part.
Demande d'audience renouvelée
J'ai par ailleurs sollicité, à la suite des événements récents, une audience auprès d'un de vos ministres. Je n'ai pas eu plus de succès... Aussi, dans cette période estivale, pour que le département des Vosges ne se sente pas exclu de la solidarité française, je vous demande :
-   que des moyens exceptionnels soient mis en place pour faire face à une situation exceptionnelle ;
-   que le président du Conseil Général des Vosges soit reçu par le ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale, et qu'un membre du gouvernement vienne se rendre compte sur place de la détresse de plusieurs milliers de Français ;
- que la commission « toutes tendances politiques confondues » élue par l'Assemblée départementale pour vous présenter le plan de redressement de l'économie vosgienne, voté à l'unanimité, soit reçue par vous-même dans les meilleurs délais ;
- que la télévision nationale donne du drame vécu dans les Vosges, des images correspondant à la réalité, afin que la solidarité à laquelle j'ai fait appel auprès de mes collègues des Conseils généraux puisse être plaidée avec succès.
En espérant que cette lettre retienne l'attention du Premier ministre du gouvernement de la France, et touche au cœur l'élu que vous êtes, je vous prie d'agréer, M. le Premier Ministre, l'expression... etc.
Christian PONCELET "
Quand pourra-t-on revoter dans une mairie de Escles rénovée
Extraits L.E. du 16 JUILLET
La Liberté de l'EST