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La forêt, autrefois une richesse
La forêt d'Hennezel
Une grande dame blessée à
mort
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Catastrophe ! Tout le
monde en parle. Mais que représente-t-elle, pour les touristes, les vacanciers ;
une curiosité à raconter, des photos ! Combien pensent au travail de ces hommes
exténués, dont certains n'ont pas dormi depuis 36 heures, pour dégager les
chemins menant aux fermes isolées ?
Je les ai vus avec leurs tronçonneuses, débiter des
géants couchés que leur outil avait du mal à entamer, pour pouvoir les tirer
avec un tracteur, et dégager, dégager, c'était le mot d'ordre. Bien sûr, cet
article ne représente qu'une petite partie des volontaires, qu'ils soient
pompiers ou bénévoles. Qu'ils soient tous remerciés pour ce travail de forçat
qu'ils font le plus vite qu'ils peuvent, pour que la vie reprenne dans les
fermes isolées. Une question se pose : pourquoi l'armée avec les moyens dont
elle dispose est-elle absente ? J'ai vu ces hommes pour qui la forêt est aussi
un gagne-pain, qu'ils soient bûcherons, débardeurs, répondre présent, sans
attendre, sans rien demander, ils sont partis avec leur tronçonneuse, eux pour
qui la forêt est quelque chose de vivant. D'ailleurs pour M. Lairé, agent technique forestier, les
dégâts sont inestimables pour le moment. A vingt mètres de sa maison forestière,
c'est un véritable parcours du combattant, dangereux. Les arbres restés debout
craquent de toutes parts (ce n'était d'ailleurs pas dégagé ce samedi matin). Lui
et ses hommes étaient sur les chemins du
Torchon-Clairfontaine.
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Des allumettes
Rien que sur les trois triages
d'Hennezel, environ 2 000 hectares seraient détruits. On y voit les arbres
blessés à mort, réduits sur le haut à des sortes d'allumettes. Et pourtant,
cette forêt, l'une des plus belles des Vosges, est indispensable à la survie de
l'homme, des animaux, des oiseaux. Combien sont-ils à y penser ? Je sais
que l'on pense aux habitants, et à leurs habitations détruites. Mais savons-nous
qu'il faut; 100 ans au minimum pour refaire une pareille forêt. Et sans que
l'argent ou le profit entre en compte, les amoureux de la forêt ont les larmes
aux yeux en voyant cela. J'aimerais citer quelques noms de ces volontaires
têtus que l'on ne cite jamais : Jean, Yannick, Bouboule, Joël, Gilles, Claude,
sans oublier Patrick Ferrari qui est d'ailleurs à l'hôpital, son genou ayant été
frappé de plein fouet par une branche. Je sais par ses
camarades qu'il voudrait déjà être de retour pour reprendre le travail. Je ne
fais ici le procès de personne, je raconte seulement ce que j'ai vu, sur un tout
petit parcours. Sans oublier ce que les touristes voient souvent. Une curiosité
sur la route de Darney (ils sont d'ailleurs sur tous les guides touristiques)
les trois chênes dont l'un, tricentenaire, eux aussi sont à
terre.
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L'arrêt de mort d'une
commune forestière
Mazeley presque sans ruines mais totalement
sinistrée
EPINAL. — Escles et son clocher décapité, Hennecourt et ses
maisons éventrées : deux images d'apocalypse qui resteront hélas longtemps dans
la mémoire collective des Vosgiens. Des villages martyrs témoignant de ce qui
s'est passé à quelques jours du 14 juillet, un certain soir d'été 1984. Escles,
Hennecourt et les... autres se doit-on d'ajouter. Les « autres », ce sont ces communes debout, sans ruines et
pourtant totalement sinistrées. Un exemple, celui de
Mazeley.
20 h 20, hier matin à 11 h 15 à l'horloge de
l'église de la bourgade. Le mécanisme du temps s'est détraqué à l'heure exacte
du passage de la tornade. E.n ce dimanche matin, les habitants vaquent à leurs
occupations journalières. Deux drapeaux tricolores flottent au vent au pied du
monument aux morts. Les villageois de la petite patrie vosgienne fêtaient hier
le 14 juillet. M. le curé est à pied d'oeuvre et s'apprête à célébrer la
grand-messe. Le calme, en réalité, succède à
la tempête.
296
hectares de forêt détruits
Lors d'une visite du canton, le député Philippe Séguin ne s'y
est pas trompé. 80 % des 241 habitants de Mazeley sont aujourd'hui sinistrés.
Leur forêt est rayée de la carte. Le chemin départemental 6 traversant le cours
d'eau du Flauzey n'est plus qu'un enchevêtrement d'arbres morts, de racines
retournées creusant des trous énormes dans le sol. 296
hectares sur un total de 380 hectares sont touchés. Un préjudice d'autant'plus
considérable lorsque l'on sait que la forêt représente 80 % des revenus
communaux. Mazeley, en effet, l'une dés plus grosses communes forestières de la
région de Dompaire, vend annuellement 400 000 francs de bois. La liste des
chiffres et pourcentages ne s'arrête pas là. A peine 15% des vergers demeurent
intactes. L'ouragan a signé l'arrêt de mort d'un chêne de 450 ans qui, jusqu'à
présent, avait résisté au temps et aux guerres.
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Une Vierge à l'Enfant les pieds dans
l'eau
Pour le maire, M. Legrand,
c'est la survie du village qui est en jeu.
«Pensez donc, les effets de cette
catastrophe dureront bien cent ans. Nous n'avons aucuns moyens, pour simplement
débroussailler ; alors pour le reste... » Son adjoint, M. Bajolet, ne mâche pas ses mots :
« Comment et surtout quand allons-nous être indemnisés ? Nous
craignons que les crédits débloqués soient insuffisants. Le plan ORSEC,
parlons-en. Nous avons été secourus quinze heures après le drame. Hier,
heureusement, les pompiers et l'armée sont arrivés. Dès 14 h, le courant et le
téléphone ont été rétablis. Il faut que les gens sachent que le bois constitue
notre gagne-pain à tous. » Preuves à l'appui, M. Bajolet sort de sa
poche un jeu de photos prises dans la journée du 12 juillet. « Regardez,
il n'y a plus un arbre debout, au bas mot 100 000 m3 désormais
inutilisables. » Le premier adjoint de Mazeley invite alors ses
interlocuteurs à faire le tour du village. « Le vent a soufflé la moitié
du toit de l'église et endommagé l'orgue datant de 1866. Nous ne trouvons plus
de tuiles aux alentours et devons faire appel à des entreprises de Nancy. La
plupart sont fermées en raison du pont du 14 juillet. »
A deux pas de là, la cure en cours de réfection n'a pas résisté
aux pluies diluviennes de la nuit de samedi à dimanche. La charpente risque à
tout instant de s'effondrer tandis qu'au premier étage, une vingtaine de
bouteilles de vin de messe s'entrechoquent à côté d'une « Vierge à l'Enfant »,
les pieds dans l'eau. Par
ailleurs, Mazeley déplore un blessé en la personne d'un adolescent de douze ans,
tailladé sur tout le corps à la suite du bris d'une vitre. Bilan : une
hospitalisation à Epinal et vingt-six points de suture.
Un cambriolage
Enfin,
comme ce fut le cas dans d'autres villages sinistrés, des individus ont profité
du désarroi des habitants pour commettre un cambriolage dans une maison isolée.
Un geste à rapprocher de ceux des « marchands du temple » qui n'hésitent pas,
par divers moyens, à tirer profit de la situation.
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