Des témoignages poignants
 
Escles
Une atmosphère digne de "la der des ders"
"La maison tremblait"
Vivre seule. Ce lot est quotidien pour bon nombre de personnes âgées dans la campagne vosgienne.
Mme Jeanne Toussaint, d'Escles, en sait quelque chose depuis mercredi soir. Un quotidien qui, soudainement, s'est mué en calvaire. « Je hurlais comme une folle, lâche-t-elle, les yeux encore embués, poursuivant, entourée de sa famille spinalienne venue la réconforter et l'aider à mettre de l'ordre dans sa maisonnette dévastée : « Jamais je n'ai connu une pareille frayeur ; même pendant la guerre ». Mercredi, il est vrai, l'atmosphère était sinistre. Même avant l'événement, l'électricité il est vrai, faisait défaut depuis longtemps, la noirceur du ciel ajoutant à l'angoisse naissante. Pour finalement faire vivre « le pire ».
« La maison tremblait, dit Mme Toussaint, qui se remémore très bien l'approche du roulement de plus en plus sourd, de plus en plus effrayant. J'ai fermé les volets, mais le vent s'est infiltré et a arraché une fenêtre ». Témoin, un bloc de fibrociment gît au milieu de la chambre à coucher, projeté d'un hangar agricole situé à plus de trois cents mètres. Sans commentaire. Le jardin, traité sans nul doute avec amour, a fait lui aussi les frais du sinistre. Mais Mme Toussaint cultive désormais la joie d'être entourée.

Mme Toussaint : " Je hurlais comme une folle "
 
Il a perdu tout ses biens en cinq minutes
 
Rien de pire désormais
Huit années d'efforts réduites à néant. Necib Rouiaiguia habite Escles. Cet Algérien, père de cinq enfants, a perdu la totalité de ses biens en dix minutes. Sa maison, récemment remise en état, n'a pas résisté au souffle. Dessous, une voiture flambant neuve de huit jours, réduite à l'état d'épave elle aussi. Quant à l'aile encore debout, elle présente d'inquiétantes fissures.
Pour Necib, une lueur éclaire quelque peu un regard désespéré, marqué par ce coup du sort : sa famille est saine et sauve. Contre toute attente, elle a échappé au sinistre. Dehors, à l'heure fatale, Necib a entrevu, dans la terrible lueur blanche annonçant le désastre, le danger.
S'engouffrant dans la cave voûtée de cette vieille ferme vosgienne, il y a entraîné femme et enfants. Le salut, avant de terminer la nuit dans une petite pièce apparemment préservée. Pour l'heure, Necib pleure.
Une maison, fruit de ses trop nombreux labeurs, son petit élevage de poules et de lapins, 'victimes de la bourrasque. Demain, il reprendra la route de Darney, où il travaille. Sans trop savoir comment ! Mais que peut-il vivre de pire désormais ?

Necib rouiaiguia a entrevu le danger mais que faire
Les exploitations agricoles n'ont pas été épargnées
L'agriculteur qui revient de loin
Robert Vagner est l'un des douze agriculteurs-exploitants de la commune d'Escles. Depuis avant-hier soir, ses 90 tonnes de fourrage n'ont plus d'abri. De salle de traite ? Plus. Quant à la maison d'habitation et aux dépendances, elles ont toutes eu à souffrir du fléau.
Une certitude : Robert Vagner revient de loin. A huit heures, il quitte en effet la salle de traite aménagée en plein pré. Un quart d'heure plus tard, elle vole en éclats.
Hier matin, il en a retrouvé des débris à plus de cinq cents mètres.
mais quelques minutes avant le déclenchement des hostilités naturelles, il rentre une presse sous un hangar avoisinant la ferme, qui s'écroulera sur la machine.
Enfin, parvenu à quelques mètres de son habitation, il pressent, confronté à la force quasiment insoutenable des vents, qu'il ne pourra parcourir la distance. Il se blottit sous une porte cochère.
Pour vivre en plein air le phénomène : « un ciel blanc, puis les bourrasques, la chute d'un mur en moellon datant de 1932 ». Et le reste.

Robert Vagner : " Blotti sous sa porte cochère"
La force quasi-insoutenable des vents
 
Extraits L.E. du 13 JUILLET