13 JUILLET : polémique quant aux secours
 
Incohérence au niveau des secours
Serge Beltrame veut demander des sanctions
 
ECŒURE, furieux. -Serge Beltrame l'était assurément hier soir sur les écrans de F.R. 3. Le député-maire socialiste de Contrexéville n'a pas mâché ses mots pour dénoncer « la lenteur des moyens mis à la disposition des communes sinistrées ». Ayant remarqué sur le terrain « une certaine incoordination   et   des   insuffisances »,   il   a   ajouté
« qu'il   n'hésitera   pas   à   demander   des   sanctions à l'encontre des responsables dont l'action et les prises de responsabilité n'auraient pas été à la mesure gravité de la situation ».
Une déclaration claire et nette désignant (au plus haut niveau) des fonctionnaires qui n'ont pas été à... la hauteur de leur tâche.
Voici l'intégralité des propos de Serge Beltrame :
« Un terrible ouragan s'est abattu sur notre région. mercredi, en fin de soirée.
Sa soudaineté, sa violence dépassent l'imagination. L'ampleur des dégâts occasionnés s'apparente aux désastres provoqués sous les tropiques par de semblables phénomènes météorologiques.
Plusieurs villages sont très gravement sinistrés, maisons détruites, routes coupées, certains sont privés d'eau, d'électricité, de téléphone.
Les récoltes sont anéanties, les forêts dévastées. Des exploitations agricoles ou artisanaless sont ruinées et des dizaines de familles sans abri.
J'ai passé la journée sur le terrain, visitant environ quinze communes parmi les plus touchées par le cataclysme.
J'ai été le témoin de la détresse des populations, détresse justifiée, profonde, d'autant plus cruelle que les secours ont tardé à être organisés de manière efficace.
Ce matin encore, les aides ne correspondaient nullement aux besoins, le nombre des hommes mobilisés, le matériel mis en œuvre n'étaient manifestement pas suffisants.
Il me semble que certaines hésitations, des erreurs d'appréciation ont entraîné une sous-évaluation des besoins, un retard dans la mise en œuvre des secours.
J'affinerai, d'ici à lundi, mon analyse des responsabilités encourues et n'hésiterai pas à demander au ministère intéressé des sanctions à rencontre des responsables dont l'action, les prises de responsabilités n'auraient pas été en rapport avec la gravité de la situation.
J'ai en outre avisé personnellement M. le ministre de l'Intérieur afin que des mesures exceptionnelles soient prises en faveur des sinistrés et prioritairement pour ceux qui ont tout perdu en cette soirée.
J'ai également été en mesure de noter l'extraordinaire élan de solidarité qui s'est fait jour spontanément.
En ma qualité de maire, j'ai, sans attendre aucune instruction, mis à disposition des communes de Ville-sur-lllon et Damas-et Bettegney, le corps des sapeurs-pompiers de la ville
D'autre part, je profite de cette tribune pour annoncer que j'ai décidé de supprimer le vin d'honneur et le feu d'artifice du 14 juillet à Contrexéville.
Les sommes correspondantes, environ 40 000 F, seront versées au profit des cités dévastées ».

Au ministère de l'Intérieur
On renvoie la balle dans le camp du préfet
Quelles mesures, dans le cadre du Plan ORSEC, le ministère de l'Intérieur a-t-il décidé de prendre au nom de l'Etat pour venir en aide aux communes les plus touchées et aux particuliers les plus démunis ?
Telle est la question simple que nous avons posée, hier, au ministère de l'Intérieur, téléphone (1) 260.35.35. Quête infructueuse, décevante. Après avoir été « baladé » de poste en poste et d'attachés en responsables, un certain Moulinier, « attaché à la sécurité civile », nous répondit :
« Le Plan ORSEC a été déclenché. Voyez votre  préfet,  il  est seul  responsable. »
Sur un ton arrogant, ce fonctionnaire nous fit sentir que sa seule préoccupation était de partir en vacances et, comme nous insistions, qu'il « n'était pas le porte-parole de Gaston Defferre ! »
Si Escles, Hennecourt, les 2 000 hectares de forêt détruite et les 20 000 personnes privées de courant se trouvaient dans les Bouches-du-Rhône, il est probable que la réponse eut été différente et le ton plus amène.
 
Le préfet : « Nous fournissons à la demande »
C'est à 21 h que M. Clément Bouhin a pris connaisance par un de nos rédacteurs. des déclarations faites par M. Beltrame.  Le préfet était en effet en réunion depuis 19 h avec les chefs de service départementaux. Il n'a pas caché son étonnement devant les réactions du député de  la  Plaine.  Pour avoir fait le survol de la zone sinistrée en hélicoptère entre 17 h et 18 h, M. Bouhin estimait que tout le monde au niveau de l'administration avait fait son devoir. « N'oublions pas que cela s'est produit il y a quarante-huit heures seulement »,  déclare-t-il notamment, « Tous les moyens disponibles ont été mis en place... nous fournissons à la demande... »
S'agissant du rétablissement des liaisons, M. Bouhin nous déclara qu'il avait pu constater que toutes les liaisons étalent rétablies sauf peut-être quelques routes de campagne. Sur 1 800 abonnés privés de téléphone, jeudi matin, seuls 300 n'avaient pu être rééquipés. De même pour E.D.F., 3 000 abonnes restant privés de courant contre 20 000 jeudi matin.
Enfin sur les protections des habitations, le préfet déclara que de gros moyens avaient été déployés grâce notamment à la Protection civile, à l'armée (265 hommes sur le terrain) et aux pompiers. « Toutes les demandes ont été honorées », déclare-t-il notamment. Interrogés entre autres, sur le cas de Gorhey dont le maire, M. Chaney, nous avait paru un peu désemparé en milieu de journée, M Bouhin nous a dit avoir vu d'hehcoptere « toutes les maisons de Gorhey couvertes ».
Il est indéniable que tous les personnels qui sont intervenus sur  les terrains ont fourni des efforts louables et considérables. Mais ne pouvaient-ils espérer des renforts en hommes et en matériel venus d'autres départements ? Que se serait-il passé s'il avait plu ? L'explication qui nous a été donnée hier en préfecture selon laquelle le déploiement des moyens se faisait aussi en fonction des renseignements météorologiques, nous semble bien faible. Hier en milieu d'après-midi, lorsque, dans la région de Escles, Hennecourt et Bocquegney, le ciel s'assombrissait, menaçant, les populations n'étaient vraiment pas rassurées. Il restait bien du travail sur la planche.
 

 
Des déviations ont dû être mises en place pour tenir à l'écart les curieux
M. Boulay : « Nous nous sommes débrouillés par nos propres moyens ».
Pour le maire d'Hennecourt
« Le plan ORSEC ? de la foutaise »
EPINAL.  -  La  bonne volonté est partout.
Bénévoles civils, agriculteurs solidaires, agents des administrations et services publics concernés, militaires des 18e RT et 170e RI comme de la base de Contrexéville n'en manquent pas. Mais visiblement, si le coeur y est.  entendons le
courage,  les  moyens,  eux, font défaut.
Claude Boulay, le maire d'Hennecourt, un des villages les plus sinistrés, ne mâche pas ses mots : « Le plan ORSEC ? de la foutaise », lance-t-il à la cantonade. « Nous nous sommes débrouilles par nos propres moyens. Une telle décision aurait dû être efficace dans les deux heures qui suivaient.
L'urgence, c'étaient les bâches, or, elles sont arrivées jeudi soir, à 23 heures, quatorze heures après le passage du préfet. Jeudi, poursuit-il, nous avions les militaires,  pas les bâches (des rouleaux de polyane (!) Hier, les bâches étaient là, mais les militaires ne sont arrivés qu'à midi ».

Et le maire de ce village de 250 habitants de ponctuer sa phrase d'un silence qui en dit long sur l'amertume d'une population qui s'attache à calfeutrer ce qui peut l'être.
Avec l'aide de l'armée bien sûr, des sapeurs-pompiers, de la protection civile, de la soixantaine d'agriculteurs, jeunes et moins jeunes, qui, tout au long de la journée, se sont succédé sur le terrain.
Car ils sont là, les jeunes du contingent, à Hennecourt et dans les communes voisines de Damas-et-Bettegney et Bocquegney. Sous le commandement du colonel Rolland,  patron  du  18e R.T.
Là, mais sans beaucoup de moyens. Le colonel Rolland en est bien conscient.
« Il nous faut gérer les priorités, dit-il, avec les moyens qui sont les nôtres : les bras et notre matériel de production d'électricité ». Des équipements qui, au fur et à mesure que la journée s'avançait, se sont développés.
Une tendance qui ramène un pâle sourire sur le visage de Claude Boulay. A quelques mètres de là, quatre ou cinq hommes de la Protection Civile s'activent à dégager les carcasses des quatre génisses de Louis Dugravot, encore coincées sous les décombres. Des truies, porcelets et moutons sont morts à l'entour.
Plus loin, dans le nouveau lotissement, les pelouses accueillent tentes et caravanes.
Et en famille, la tâche s'accomplit.  Après le premier abattement, les habitants se sont repris en main.
De quoi motiver sans doute les autorités dans les toutes prochaines heures. Dimanche, la population Croyante du secteur se retrouvera pour la messe de 11 h à... Damas-et-Bettegney.
Une façon de reprendre confiance dans la commune voisine. Depuis mercredi soir, il est vrai, plus question de querelle de clochers entre Damas et Hennecourt.
Et pour cause, l'église de ce dernier village a perdu le sien dans la tourmente.
 
Une mère n'y retrouverait pas ses petits
Une toiture mal en point
 
Extraits L.E. du 14 JUILLET