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Des vents de 150 à 200 km/h
Plus
puissant qu'une bombe atomique
Le cumulo-nimbus, "un
monstre" météorologique
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« C'est comme si on avait
bombardé le village ». Le visage défait par la fatigue,
le regard incrédule qui n'ose croire au désastre qui s'offre à la vue de tous,
un habitant d'Escles ne croit pas si bien dire. Car le phénomène météorologique
qui a ravagé - le mot n'est pas trop fort - une bande de 2 à 5 km de large sur
une soixantaine de kilomètres de long (avec des variantes d'intensité)
correspond à une situation météorologique particulière inhérente à la formation
d'un véritable monstre météo, un nuage, appelé cumulo-nimbus, lieu de courants
internes d'une extrême violence et comparables, affirment les météorologistes, à
l'énergie déployée par une bombe
atomique.
D'Alger... au Rhône et à la Saône Terreur des
aviateurs, le cumulo-nimbus qu'ils appellent « Cunimbe » est « le nuage dans
lequel on n'entre pas sous peine de mort », une énorme masse nuageuse dont la
base était avant-hier à environ 800 m d'altitude et le sommet à 12 000 m et
c'est de haut en bas que se produisent à l'intérieur du nuage, une série de
mouvements qui conduisent de façon simultanée à la production de vent et de
qrêle. Un cumulo-nimbus naît du conflit de deux masses d'air. Ainsi,
avant-hier, un courant d'air frais à environ 15° descendant de Grande-Bretagne
par le Nord-Ouest est entré en collision avec une autre masse d'air très chaud,
d'origine tropicale, en provenance d'Alger, de quelque 46°C, température rejevée
le jour même dans la capitale algérienne. Le premier contact est évidemment
de nature conflictuelle, les masses d'air se sont « frictionnées » une première
fois au niveau de Partners (Ariège), où les dégâts sont également
catastrophiques, puis la remontée de Sud-Sud-Ouest s'est poursuivie dans la
vallée du Rhône où le vent à Lyon atteignait 80 km/h. A ce niveau de friction, on obtient des orages. Pas une
tornade. Mais les masses d'air sont arrivées en fin d'après-midi au niveau de la
vallée de la Saône, c'est-à-dire à une heure où réchauffement cumulé par une
journée de grand soleil était à son maximum puisqu'on enregistrait 34° C hier à
18 h. Le second facteur
aggravant, c'est l'évaporation. Lorsque la masse nuageuse - en fait, un gros
orage - est arrivée au-dessus de l'immense massif forestier de Darney et de sa
région, elle s'est immédiatement gonflée des énormes quantités d'humidité liées
à l'évaporation. L'équation eau + chaleur se réalisait alors et l'échange
thermique déclenchait, à l'intérieur du cumulo-nimbus ainsi formé une série de
réactions en chaîne.
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Des vents de 150 à 170
km/h A l'intérieur du nuage devenu un véritable mur vertical de
plusieurs kilomètres de haut, des courants d'air montants et descendants
déclenchent le mouvement de milliards de gouttes d'eau qui montent en altitude,
se transforment en glaçons, retombent vers la base du nuage,
pour remonter et reglacer pendant plusieurs minutes, tant que leur masse sera
compatible avec la capacité d'aspiration ou si l'on préfère d'ascension des
courants internes. Plus cette capacité est grande, plus les grêlons seront
gros jusqu'au moment où ne les pouvant plus « porter » le nuage les abandonne et
que le courant descendant déclenche de façon très locale des vents d'une extrême
violence de l'ordre de 150 à 170 km/h et qui peuvent dans certaines situations
de relief atteindre les 300 km/h. On imagine sans peine que tout ce qui se
trouve sur le passage de ce courant ne résistera pas à l'action conjuguée du
vent et de la grêle généralement associés à l'effet de foudre lié à la
fabrication d'électricité. Pour avoir une idée de la violence du* vent, il faut
savoir qu'un vent de 350 à 400 km/h est capable de faire entrer un brin de
paille dans l'écorce d'un arbre. Jugez du
reste.
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De
Pamiers à Sarrebourg
Un spectacle cent fois renouvelé
PARIS (ACP). - Il semble que le gros des
orages soit désormais passé. Les dégâts provoqués, en tout cas, mercredi, par
les vents violents et les chutes de grêle sont importants. Peu de régions ont
été épargnées par cette véritable tornade. Et, hier, on faisait le compte des
toitures arrachées, des antennes de télévision envolées, des voitures abîmées
par des grêlons, gros parfois comme des œufs, des maisons inondées et aussi des
accidents provoqués par cette tempête. C'est ainsi que dans la région de
Dijon, à cause d'une visibilité très réduite, un minibus a percuté un ensemble
routier de 35 tonnes. Les deux occupants du mini-bus, un couple de Metz,
M. et Mme Testard, ont été tués sur le coup. Ils se rendaient en vacances à La
Grande-Motte pour retrouver leurs enfants. Au cours de cet orage, un second
accident mortel s'est produit en Côte-d'Or. Un hôtelier de Châtillon-sur-Seine a
perdu le contrôle de sa voiture qui s'est encastrée sous un poids lourd qui
venait en sens inverse. Il a été tué sur le coup. Au large de Marseille, une
embarcation avec quatre personnes à bord, prise dans une mer très mauvaise a,
par ailleurs, chaviré. Les corps de deux des occupants ont été retrouvés mais
les deux autres restaient disparus.
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Vignobles et cultures maraîchères
touchés Dans la région dijonnaise, le vignoble a subi
d'énormes dégâts, ravagé à certains endroits par des grêlons. Les cultures
maraîchères et fruitières ont aussi souffert. Vitres, tuiles, vérandas, serres
n'ont pas été épargnées. La tornade a atteint vers 22 heures Sarrebourg. Un
arbre est tombé près de Dabo sur une voiture de tourisme et trois personnes ont
été blessées. Les sapeurs-pompiers de, la région lyonnaise ont dû intervenir
plus de 300 fois mercredi pour maintenir les cheminées et les panneaux
publicitaires à demi-arrachés ou dégager les chaussées jonchées de débris divers
poussés par le vent violent. La chaleur aidant, un feu de broussailles important
s'est déclaré à Decines dans l'est lyonnais et a ravagé 80 hectares de chaumes
et de blé. En Ariège, sur le comté de Foix et la région de Pamiers, le vent a
atteint là encore des records : 150 km. Câbles, poteaux électriques toitures ont
là aussi beaucoup souffert. La grêle est tombée aussi dans la région
parisienne et les. sauveteurs ont dû intervenir de nombreuses
fois.
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Routes, téléphone,
électricité
Des liaisons
rompues
Canal de l'Est ; navigation
toujours interrompue
En raison d'arbres qui se sont abattus dans les biefs 22
et 23, le canal de l'Est n'était plus navigable au niveau d'Igney. Un yacht
appartenant à des Hollandais abordait ce passage au moment de la tornade, mais
n'a pas été touché par la chute des arbres. Il a fait marche arrière pour
s'éloigner de cette zone délicate dans la matinée d'hier, après une nuit passée
au milieu des arbres abattus. Un autre yacht, allemand celui-là, est immobilisé
également au niveau du bief n° 24. La circulation
fluviale est interrompue à Charmes, dans l'attente du dégagement des biefs
d'Igney. Les agents de la navigation étaient à pied d'œuvre dès hier, mais on
estime à une cinquantaine le nombre d'arbres obstruant le canal, ce qui
nécessitera de vider les biefs de leur eau avant de prétendre dégager les
arbres. L'opération devrait durer 48 heures au moins.
1 800
abonnés privés de téléphone : les remises en service vont bon
train
La Direction
régionale des Télécommunications estimait que le nombre des abonnés privés de
téléphone en raison de la tempête étaient de 1 800 hier matin. Le secteur de
Martinvelle et ses 120 abonnés fut le premier rétabli. A Les Vallois, la remise
en service s'effectuait progressivement dès hier après-midi. A Hennezel, l'accès
par la route ayant été difficile jusqu'en milieu d'après-midi, |es -2GÔ- «bonnes
devront attendre aujourd'hui les remises en service. Les communes de
Charmois-l'Orgueilleux, Domèvre, Bad-ménil, Mazeley, Fomerey sont dans la même
situation. Au besoin, des cabines provisoires seront installées, comme cela a
été fait hier déjà à Escles, la commune ayant subi les plus gros dégâts.
Hier soir, à la Direction régionale, on estimait qu'une très
grande majorité d'abonnés pourraient disposer de leur téléphone pour le
week-end, aucune grosse installation d'autocommutateurs n'étant touchée.
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E.D.F. : vers un rétablissement rapide
des lignes « moyenne tension » En une demi-heure, les techniciens d'E.D.F.
ont vu la tempête progresser au fur et à mesure que les lignes basse et moyenne
tensions coupaient. - Une des deux lignes 60 000 volts alimentant
Dar-ney a été coupée en premier. - A Dompaire, la ligne 150 000
volts, entre Vincey et Plombières, a subi le même sort. - Dans le
secteur de Thaon, une des lignes 60 000 volts Vincey-Dogne-ville n'est plus en
service. - Enfin, dans le secteur de
Rambervillers, plusieurs lignes 20 000 volts ont été rompues. Les lignes moyenne
tension du département ont subi de gros dégâts.
A la suite de la tornade, 20
000 abonnés étaient privés de courant. Grâce au travail des agents E.D.F. et
des entreprises, les secteurs de Darney (à quelques exceptions près), Bains-les-Bains,
Thaon, ont été remis en service. Reste l'épicentre de la tornade, soit
moins de 3 000 abonnés à
alimenter.
S.N.C.F. :
attention aux passages à niveau Les liaisons
ferroviaires ont bien entendu été fortement perturbées dans la soirée de
mercredi, mais hier soir, on peut dire que la situation était revenue à la
normale. Seul problème sub- sistant : celui des passages a niveau
automatiques, qui fonctionnent normalement à l'électricité, n'étaient pas
alimentés à certains endroits et des agents S.N.C.F. durent suppléer pour
assurer le fonctionnement. Mercredi soir, les retards
sur la ligne Epinal-Nancy ont pu atteindre trois heures en raison notamment
d'arbres tombés sur les voies. Bien plus, les liaisons téléphoniques internes
étant interrompues, les conducteurs devaient faire preuve de grande
prudence.
Sur les routes :
prudence
De nombreuses routes ont été
obstruées par des arbres fracassés par la tempête. Les services de l'Equipement,
appelés aux quatre coins de la zone sinistrée, ont fait diligence. La RN 57 a
été remise en service dans l'après-midi. Le secteur le plus touché fut sans
aucun doute celui de Escles, Lerrain, Hennezel. Hier soir, on pouvait circuler
partout, sur une seule voie parfois. La prudence est recommandée aux
automobilistes dans les jours qui viennent en raison, des chaussées recouvertes
de poussières, de terre et de feuilles. Si des pluies devaient s'abattre, la
situation serait vraiment dangereuse.
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Extraits L.E. du 13 JUILLET
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